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Note archéologique sur l'Aguelman de Sidi- Ali :

Note archéologique sur l'Aguelman de Sidi- Ali :


Comme le témoignent les vestiges de ces civilisations anciennes, les bords de l'Aguelman de Sidi Ali ont été habités par l'homme préhistorique à une époque fort reculée. L'outillage lithique, représenté par des pièces typiques, permet de classer ces stations d'une part dans le Paléolithique moyen et d'autre part dans le Paléolithique supérieur. Cette association de deux civilisations successives prouve, par conséquent, la continuité de l'habitation de ce centre durant le Quaternaire. Par contre, jusqu'à ce jour, aucun indice ne témoigne en faveur de son occupation durant l'époque néolithique. Il est ainsi probable que la région a dû être délaissée par l'homme primitif à la fin des temps quaternaires.


-                      Ruhlmann Armand. « Note archéologique sur l'Aguelman de Sidi-Ali » (Moyen-Atlas, Maroc). In: Bulletin de la Société préhistorique  française. 1932, tome 29, N. 12. pp. 556-569.

-                      Armand RUHLMANN Inspecteur des Antiquités du Maroc


Le Moyen Atlas ne constitue pas seulement le « Château d'eau du Maroc » (1), mais le plateau qui s'étend d'Azrou à Tamayoust forme même le nœud hydrographique de tout le pays (2). Tandis que la montagne alimente les fleuves les plus importants ou leur fournit les affluents les plus nombreux, la partie délimitée entre les deux centres précités renferme le faîte « où se partagent les versants Nord –atlantique, Sud-atlantique et méditerranéen » (3). A quelques kilomètres, en effet, de Timhadit, les deux grandes rivières atlantiques, l'Oum er Rbia et le Sebou prennent leur source; l'une se dirige vers le Sud et l'autre vers le Nord. Mais cette région est également riche en lacs et cuvettes lacustres dont la grandeur varie autant que la situation et qui se groupent par endroit en véritables chapelets. Le lac le plus étendu, le plus connu et le plus visité de ce même district est incontestablement l'Aguelman de Sidi Ali.


Situé à une altitude de 2.000 mètres environ, il est encaissé dans un bassin ovale allongé et entouré de masses rocheuses abruptes dont les crêtes sont revêtues de forêts clairsemées de cèdres. Le tout

Forme un cadre aussi sauvage que pittoresque et ce n'est, à l'heure actuelle, que le dimanche quand la sécurité est assurée, que le calme de ce site accueillant est troublé par les pêcheurs ou les excursionnistes.


L'Aguelman atteint selon les renseignements obtenus une profondeur de 40 à 50 mètres. Sa longueur normale est d'environ 2.500 mètres, sa largeur moyenne de 600 mètres environ, ce qui correspond à une superficie d'environ 150 hectares. Au printemps toutefois, lors de la fonte des neiges, quand les eaux de toutes les hauteurs environnantes s'y précipitent, son niveau s'élève sensiblement et ses eaux inondent alors toute la dépression. A ce moment, il atteint son étendue maxima qui est d'environ 180 hectares.

 

Les rives sont jonchées sur tout le pourtour de blocs calcaires, de matériaux de désagrégation et du côté Nord-Ouest de roches d'origine volcaniques. Sur cette même rive Nord-Ouest, une butte surplombe le lac d'une vingtaine de mètres, formant un petit plateau qui descend en pente douce vers le pied de la montagne. 1 j Mais, fait singulier, l'Aguelman de Sidi Ali n'a pas d'émissaire en surface, phénomène qui trouve son explication dans les origines même de ce lac.

 

La dépression allongée du synclinal de marnes bajociennes, située juste en avant d'un pli faille, s'est trouvée obstruée, au Quaternaire, par un barrage d'origine volcanique. Les conditions naturelles de formation d'une nappe dormante se sont alors trouvées réalisées.

 

Le volcan dont les éruptions ont dû déterminer la fermeture du vallon primitif et qui a conservé un cratère bien dessiné, domine l'Aguelman de Sidi Ali du côté Nord.

 

Des traces d'éruptions volcaniques enfin sont visibles sur la rive Nord-Ouest du lac et dans un champ de laves qui revêt partiellement la vallée rocheuse de l'oued Zaad ;

 

Celle-ci forme en quelque sorte le prolongement primitif de la dépression d'origine tertiaire.

La nature des couches géologiques qui constituent cette région, formée surtout de calcaire et de dolomitique, envahies vers l'aval par les laves récentes, donne un sol perméable et favorise plus que probablement l'infiltration des eaux de l'Aguelman de Sidi Ali à travers le barrage pour contribuer à la formation des sources du Zaad, un affluent du Serrou.


Le Zaad prend, en effet, naissance en contrebas du barrage de laves qui sépare de la haute vallée le lac, dont il forme peut-être l'émissaire naturel. Considéré au point de vue préhistorique, l'Aguelman de Sidi Ali n'est pas moins intéressant.


 

Le sol rocheux est, en effet, parsemé, le long de la rive Nord-Ouest, sur une distance de quelques centaines de mètres, d'éclats de silex. Ce gisement s'étend à peu près sur les trois quarts de la rive Nord-Ouest; c'est vers l'amont, en contre bas, sur les pentes et sur le petit plateau qui surplombe le lac que les silex se trouvent en nombre. A partir de cet endroit, ils se. Disséminent de plus en plus, pour manquer complètement vers l'aval. Sur la rive opposée plus abrupte, on ne découvre, par contre, pas de silex taillés. De l'examen minutieux de ces silex, portant pour la plupart des traces d'une taille intentionnelle, il résulte que nous nous trouvons en présence d’une ou très probablement de plusieurs stations préhistoriques avec atelier de taille.

 

L'abondance des débris de silex et d'éclats avec retouches ne peut, en effet, s'expliquer que par un débitage sur place, mais les véritables outils sont rares. Nous avons donc affaire, comme du reste pour la

Plus grande partie des gisements préhistoriques connus jusqu'à ce jour au Maroc, à des stations en surlace, fait qui trouve son explication dans la nature du sol et du sous-sol.

 

Nombreuses ont dû être les pièces en silex trouvées sur les bords de l'Aguelman de Sidi Ali et emportées par les visiteurs ou quelques chercheurs. Le fait qu'il s'y rencontre des outils en pierre taillée est connu, si nous sommes bien renseignés, depuis des années, sans que ces découvertes, intéressantes sous bien des rapports, aient été étudiées jusqu'à ce jour, dans leur ensemble.

 

Une place à part revient aux récoltes faites, en son temps, par M. J. Bourcart et qui a pris le soin de les déposer au Muséum de l'Institut Scientifique de Rabat. Ces matériaux, grâce à l'obligeance de la Direction de cet Institut, ont été mis à notre disposition pour étude. Inutile de préciser que cette collection encore inédite a fort avantageusement complété celle réunie par nos soins.

 

A l'occasion de nos visites sur les lieux, nous avons pu recueillir, épars sur le sol ou disséminés entre les blocs de calcaire ou de lave, mais toujours dans le secteur délimité plus haut, une série de silex taillés.

 

Tous ces matériaux réunis représentent un outillage de petite industrie, appartenant dans son ensemble à la grande famille des instruments paléolithiques. Nous y relevons : des pointes (à main), des racloirs, des grattoirs, des lames, des outils de fortune, sans forme déterminée et dus aux accidents de la taille. Mais cette industrie ont la morphologie industrielle, la taille et les dimensions varient souvent d'une pièce à l'autre, ne se borne pas à une seule et même civilisation ; elle englobe, en effet, étudiée de près, à la fois les phases du Paléolithique moyen et supérieur.

 

En passant en revue cette série variée, nous insisterons sur les pièces les plus typiques, sur leur faciès industriel, et ce seront ces marques originales qui nous guideront pour en opérer une classification typologique. Ateliers et matière première L'emplacement présumé d'un atelier se reconnaît aux nombreux

nuclei ou noyaux, aux pièces ébauchées ou terminées, et particulièrement la grande quantité d'éclats et de déchets de taille gisant sur le sol. Pour le gisement qui nous occupe les « chantiers » se localisent, comme exposé plus haut, le long de la rive Nord-Ouest du lac.

 

L'homme quaternaire y débitait presque exclusivement le silex qui, jugé par son aspect et la morphologie des instruments, a dû offrir toutes les qualités requises à la taille. On distingue des pièces opaques et translucides (calcédonieuses). Leur patine, due, on le sait, à une altération chimique de la surface, varie beaucoup. Tandis que de nombreux silex sont patines en jaune, en brun, en gris, d'autres sont profondément cacholonnés. Le silex, matière première tant recherchée à une époque où l'homme préhistorique en tirait à peu près tout son outillage, a dû exister à proximité des ateliers. A l'Aguelman de Sidi Ali, il provient très probablement des terrains calcaires qui constituent, au moins en surface, le plateau accidenté qui s'étend vers le Sud-est, vers la plaine de la Moulouya. Dans ses formations le silex se

Trouve, surtout dans les assises supérieures, soit en rognons, soit en bancs irréguliers. La qualité  calcédonieuse abonde, selon les recherches de M. Termier, du Service des Mines, sur les flancs Sud

Et Sud-est du Djebel Hayane et Bou Auguere. A part le silex, on rencontre encore quelques rares outils en d'autres roches siliceuses et qui existent dans ces mêmes formations. La matière première ne faisait de ce fait nullement défaut dans les alentours de l'Aguelman de Sidi Ali.

Cette région privilégiée offrant des gisements inépuisables de silex, a dû exercer assurément, de par ses conditions naturelles, un attrait compréhensible sur nos lointains ancêtres, tandis que le lac, source d'eau et de vie, détermina l'emplacement des stations et des ateliers.


(1) G. Hardy et J. Céiérier. — a Les grandes lignes de la géographie du Maroc », 2« éd., Paris, 1927, p. 137.

(2) J. Blache. — « De Meknès aux sources de la Moulouya », in « Annales de Géographie », /. XXVIII, i919, p. 297.

(3) J. Blachk. — op. cit., p. 297.


 Par: Abdellah MAHI.



13/06/2013
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